Toul-Borzou : prison... et "miracles"
Article et photos parus dans l'écho de l'armor et de l'argoat du 26 Sept au 2 Oct 1996
sous la plume de Alain LE NEDELEC

            

Dans le calme de la campagne cotoyant le Trieux, à quelques dizaines de mètres de l'axe Guingamp-Corlay, il est une coquette et petite route qui mène au manoir de Toul Borzou, sur la commune de Saint-Péver. Espace reposant, surprenant dans lequel siège, depuis le XVème siècle, une demeure en bien des points attachante et ayant appartenu, durant quelques quatre-cents ans, à la famille de Traissan. Les derniers occupants ont été Charles Le Gonidec, comte de Traissan, et son épouse, Antoinette de Kersauson Vieux Châtel.

La lignée s'éteignant, le comte consentit à vendre le manoir à Pierre Gautier, originaire de Plésidy. Michel Martin, gendre de ce dernier, est actuellement propriétaire des lieux : "Le domaine, jadis, était constitué d'une centaine d'hectares de terres et bois longeant le Trieux. Nous avons, aujourd'hui, moins de surface. Toutefois la remise en état progressive des bâtiments occupe pleinement la retraite" indique-t-il.

Une propriété, certes, fort ancienne, mais toujours bien aise d'offrir des beautés sans pareil. Une entrée rénovée arbore, non sans fierté, les armoiries des Tressan et débouche sur une cour intérieure en partie pavée, près d'un puits. L'aile droite, incontesta-blement, est la partie la plus vieille. Ses chevronnières en pierre, ses appuis de fenêtres, la pente de la toiture et les moellons constituant la maçonnerie du pignon sont autant d'éléments qui permettent de le supposer. Quant à la façade principale, elle a été remaniée au fil des âges et la différence de niveau reste une énigme. Les pierres de taille enveloppent d'autres armoiries, juste au-dessus du linteau de la porte d'entrée et elles s'en vont ainsi, jusqu'à la sablière, un semblant de symétrie ayant cependant été respecté.

Une Prison

Les encadrement des deux fenêtres, à l'étage, ont des formes arondies similaires. A l'arrière, impériale, trône une tour dont le faîte dépasse suffisamment la toiture de telle sorte qu'il peut être vu de la cour. Cette optique a pour effet d'amplifier le cachet et d'accorder au tout un label d'authenticité. Il est vrai que le vétuste, ici, a quelque chose de rassurant, même si M. Martin se plaît à rappeler qu'à la base de la tour, il y avait, autrefois, une prison. Celle-ci existe encore, mais les transformations qu'elle a subies  ne sont plus de nature à rappeler sa vocation première. Les maîtres, à une certaine époque, disposaient assurément d'un droit de justice, privilège accordé avec prudence et parcimonie aux familles dont l'intégrité avait obtenu les faveurs royales. A l'intérieur, quelques pas suffisent à vous plonger dans l'ambiance d'un passé restant secret. Les murs épais soutiennent d'énormes poutres dont l'une bien originale avec sa fourche (un tronc d'arbre ... et sa branche maîtresse directement bloqués dans un mur de refend). Pour le reste, cheminées, portes, encadrements tout de granit sont monnaie courante. Entre les deux pièces principales, au rez-de-chaussée, un escalier en colimaçon (en pierre ... naturellement) a conservé et sa forme et sa beauté. Tout proche, en bois, cette fois, un second escalier Louis XV, malheureusement éprouvé.

Deux miracles

Dans ce décor respirant indifféremment  les ans et les saisons, un souterrain avait naturellement sa place. On en parle encore et d'aucuns affirment que le manoir communiquait avec le bourg de Saint-Fiacre ... à deux kilomètres de là ! Personne, aujourd'hui, ne prétend l'avoir jamais vu, ce qui brise un peu l'intérêt de la légende laquelle, cependant, avance qu'un jour une petite fille tomba dans le bief du moulin sis sur le domaine et qu'elle s'en sortit saine et sauve. Les témoins de la scène attribuèrent le miracle à Notre-Dame de Restudo, patronne de la chapelle construite à moins de cinq-cents mètres . L'histoire dit encore que le père de la jeune fille avait les pires difficultés à marcher sans béquilles. Il se rendit à la chapelle et se mit en prières. Quelques minutes plus tard, comme par enchantement, il put se déplacer à son aise... sans béquilles ! Toul-Borzou s'est probablement imprégné de ces événements, sans que le quotidien n'ait eu à enregistrer d'autres faits aussi insolites. De son origine et de son évolution, peu de renseignements permettent d'éclairer notre curiosité. Un cheminement bien ordinaire.

Ce Manoir a été construit en 1545 et agrandi en 1635 par la famille Le Gonidec de Traissan, qui l'occupa jusqu'au début du XX ème siècle. On entre dans sa cour fermée par un portail à double porte cochère, au dessus duquel figurent les armes de la famille, présentes également au dessus de la grande porte du bâtiment principal.

photos-juin 2010