Chevaux et pardons
Les traditions se perpétuent de nos jours
Reportage et photos parus dans le Paysan Breton du 16 Juillet 1993 
sous la plume de Yvon Le Berre et Pierre Dénès

Saint-Eloi, saint patron des maréchaux-ferrants, a été longtemps vénéré par les éleveurs. En Bretagne de nombreux pardons lui ont été consacrés. Quelques-uns subsistent encore. Une dévotion qui devait assurer la protection des chevaux.

Les chevaux sont encore bien présents au pardon de Notre dame de Restudo.

Symbole du travail et de la prospérité du monde agricole pendant des décennies, le cheval breton, fierté de l'exploitation, faisait l'objet de toutes les attentions. Pour le protéger des maladies et autres menaces, la tradition voulait qu'on le recommande aux bonnes grâces de nombreux saints patrons des églises et chapelles bretonnes (Saint-Eloi, Saint-Hervé, Saint-Gildas, Saint-Nicodème, Saint-Salomon).

Parmi ceux-ci, Saint-Eloi, le saint patron des maréchaux-ferrants, est de loin le plus populaire. On le retrouve encore sur de nombreux vitraux de nos églises et chapelles ou représenté en statuette, marteau à la main, enclume et fers à ses pieds.

Le culte de Saint-Eloi était de ce fait rendu un peu partout en Bretagne. Et les chevaux y étaient le plus souvent présents. Citons Sizun, Plouarzel, Ploudalmézeau, Ploudaniel, Clohars-Fouesnant, Spézet, Tourc'h, Louargat, Saint-Nicolas-du-Pélem, Goudelin, Saint-Péver, Plérin et bien d'autres lieux encore...

Dans la chapelle de Notre Dame de Restudo, Saint-Eloi est en possession de son marteau et de son enclume. Autour de lui des fers.

 

Une sorte de purification

Bénits après l'office religieux, ils devaient selon les traditions locales, se baigner dans un étang à proximité de la chapelle (Sain-Péver, Goudelin, Plaine-Haute) ou sauter le déversoir de la fontaine (Plouarzel). Une sorte de purification qui devait les protéger tout au long de l'année. Ils étaient censés revenir plus forts et plus vigoureux.

De nombreux ouvrages ont évoqués ces croyances et pratiques*. Au travers de quelques exemples, il est possible de mieux les cerner. On apprend ainsi dans un recueil du début du 19ème siècle qu'à Plérin (22), la chapelle de Saint-Eloi, à une demi-lieue du bourg, les paysans des environs ont fait de ce saint, le patron des chevaux et juments... Tous les ans les paysans y conduisent leurs chevaux le jour de la Saint-Jean retenu également pour fêter la Saint-Eloi.

Les pratiques ont évolué dans le temps. "le jour de la fête du saint, à la Saint-Jean, les paysans arrosaient avec l'eau de la fontaine, les parties sexuelles de leurs bêtes, persuadés que cette aspersion les rendraient fécondes. Aujourd'hui (1932) on se borne à les faire passer par une mare et à leur faire tremper les pieds dans une fontaine."

"On conduit aussi à l'assemblée tous les beaux chevaux des communes avoisinantes. On les orne de fleurs, et au retour, chaque jeune cultivateur ramène en croupe sur sa bête la jeune fille qu'il aime."

 * D'après Habasque : "Notions historiques et géographiques sur le littoral du département des Côtes d'Armor" et Le Guennec : "Le finistère monumental"
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De véritables processions

A Plouarzel, les chevaux venus des contrées avoisinantes, devaient sauter un ruisseau, "lamm san Alar" (le saut de saint Eloi), et recevaient sur la crinière et la croupe une écuelle d'eau de la fontaine consacrée. L'auteur précise le rattachement de cette chapelle au cheval. "En la chapelle de Saint-Eloi, la statue représente le saint patron accompagné d'un cheval, le pied levé sur l'enclume à la manière d'un patient qui montrerait son pouls au médecin. A pignon s'appuie un édicule où l'on reçoit les offrandes de crin que les paysans font à la chapelle le 25 juin, jour du pardon."

Les offrandes pour préserver les chevaux sont d'ailleurs pratiques courantes. Ainsi à Sizun : "Pour avoir de bons chevaux, et les mettre à l'abri de toute influence pernicieuse, on offre communément à saint Eloi, du crin, des cierges et de l'argent. Le jour du pardon, toutes les écuries se vident, et l'on peut voir sur les routes, de véritables processions de chevaux. On fait faire aux animaux trois fois le tour du sanctuaire et on verse sur leur tête, sur leur croupe et dans leurs oreilles de l'eau de la fontaine sacrée."

 

"lamm san Alar" devant la fontaine de la chapelle
Saint-Eloi de Plouarzel