Commémoration du 11 novembre 2022

Cérémonie au Monument aux Morts à 11h00 en présence des enfants de l'école. Lorsque les enfants sont là, s'ajoutent les parents et on se sent moins seuls devant le monument. On a, en plus, souvent droit à un temps gris ou pluvieux. Cette fois c'était plein soleil. La cérémonie a été suivie d'un vin d'honneur très convivial, servi par le Bar de la Mairie - un excellent buffet très copieux et une décoration adéquate. Bravo pour la prestation !
Après la lecture des noms des soldats de Saint-Péver "Morts pour la France" lors des diverses guerres; après la minute de silence et la Marseillaise, les enfants de l'école ont lu des poésies et une lettre d'un poilu à son épouse, pour terminer par une chanson de Florent Pagny.
Eliaz et Walig lisent la poésie "1914"
Yuna, Emmy et Laly lisent la lettre du soldat.
Les enfants chantent a capella la chanson de Florent Pagny "Le Soldat"
Porte drapeaux : Michel Martin - Mickael Le Moign et Jean Lallier




Ma chérie,

Je t'écris pour te dire que je ne reviendrai pas de la guerre. S'il te plaît, ne pleure pas. Sois forte. Le dernier assaut m'a coûté mon pied gauche et ma blessure s'est infectée. Les médecins disent qu'il ne me reste que quelques jours à vivre. Quand cette lettre te parviendra, je serai peut-être déjà mort. Je vais te raconter comment j'ai été blessé. Il y a trois jours, nos généraux nous ont ordonné d'attaquer. Ce fut une boucherie absolument inutile. Au début, nous étions vingt mille. Après avoir passé les barbelés, nous n'étions plus que quinze mille environ. C'est à ce moment là que je fus touché. Un obus tomba près de moi et un morceau m'arracha le pied gauche. Je perdis connaissance et je ne me réveillai qu'un jour plus tard, dans une tente d'infirmerie. Plus tard, j'appris que parmi les vingt mille soldats qui étaient partis à l'assaut, seuls cinq mille avaient pu survivre grâce à un repli demandé par le général Pétain.

Dans ta dernière lettre, tu m'as dit que tu étais enceinte depuis ma permission d'il y a deux mois. Quand notre enfant naîtra, tu lui diras que son père est mort en héros pour la France. Et surtout, fais en sorte qu'il n'aille jamais dans l'armée pour qu'il ne meure pas bêtement comme moi.

Je t'aime. J'espère qu'on se reverra dans un autre monde. Je te remercie pour les merveilleux moments que tu m'as fait passer. Je t'aimerai toujours.

Adieu.

Charles (Soldat Charles Guinant)


Monuments aux morts
Des champs de bataille très politiques

Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la commémoration des victimes de cette boucherie a toujours été sous-tendue par d'énormes enjeux politiques, entre patriotes militaristes (plutôt de droite) et pacifistes (plutôt de gauche).

… En fait, au lendemain de la Première Guerre mondiale, les monuments aux morts étaient une sorte de compensation pour les familles. Car les soldats se sont non seulement fait tuer, mais leurs corps ont été confisqués par l'armée, comme l'explique Elise Julien, enseignante chercheuse en histoire à Sciences Po Lille : « L'état voulait les garder dans les cimetières militaires, pour dire que ces morts restaient mobilisés, et qu'il y avait une égalité de traitement entre tous les combattants »

Après la guerre, la plupart des anciens combattants, de tout bord politique, sont devenus pacifistes, et on les comprend. Cependant entre pacifistes de gauche et pacifistes de droite, il y eut quelques nuances. Notamment à propos de l'emplacement du monument… Dès lors les municipalités de gauche ont plutôt opté pour un monument laïque sur la place de la mairie. Et les municipalités de droite, pour un monument dans le cimetière ou à côté de l'église … et lors des commémorations, il n'était pas rare d'assister à des frictions entre poilus de gauche et poilus de droite…

Le choix de la date du 11 novembre, lui aussi, n'a pas été évident… Elise Julien nous apprend que « le gouvernement ne voulait surtout pas créer un jour férié supplémentaire, au motif que cela ferait perdre la compétitivité française ». Raison pour laquelle les soldats tués au combat ont d'abord été célébrés le 14 juillet, puis le 1er novembre, jour de la Toussaint… Ce n'est qu'en 1922, soit quatre ans après le conflit, qu'a officiellement été décrétée la date du 11 novembre…

La politique se retrouve aussi dans l'art statuaire. En gros il y a deux grands types de monuments aux morts. Ceux qui célèbrent le patriotisme victorieux, avec soldat debout et fier de combattre, au fusil virilement dressé. Et ceux qui expriment l'horreur de la guerre, la boue, l'agonie et la souffrance. Il va sans dire que les premiers étaient plutôt de droite et les seconds, de gauche…

Il y a en France plusieurs dizaines de monuments qu'on peut qualifier de pacifistes ou d'humanistes… Cependant le monument pacifiste le plus emblématique est celui de Gentieux dans La Creuse. Il représente un écolier qui lève le poing, devant l'inscription rageuse : « Maudite soit la guerre ». Ce monument n'a jamais été inauguré officiellement (une circulaire de la IIIème République interdisait toute célébration devant l'édifice). Mais depuis 1987 il a été remis à l'honneur par Régys Parayre, natif du pays et aujourd'hui maire de la commune voisine de Lépinas…

Les mouvements antimilitaristes réclament aussi la réhabilitation de ceux qu'on appelle les « fusillés pour l'exemple ». Ils furent environ 600 malheureux, exécutés pour avoir refusé d'obéir à des ordres stupides qui les auraient menés droit à la mort (ce qui n'est pas un signe de lâcheté, comme certains idiots l'ont affirmé, mais à l'inverse de grand courage)…

En attendant de célébrer les rebelles, il faut bien rendre hommage à ceux qui continuent de tomber pour la noble patrie… C'est ainsi que les noms des soldats tombés en Afganistan sont gravés à côté de ceux de la Grande Guerre… En somme c'est un peu comme si la guerre qui était censée être la « der des der » était devenue la « prems des prems » en réunissant les soldats tués dans tous les conflits. Un même fourre-tout commémoratif, à la fois pour les victimes des ordres absurdes des généraux des tranchées et celles des terroristes islamistes actuels … Cet amalgame est critiqué par plusieurs historiens … L'intérêt des commémorations n'est pas de diluer l'histoire, mais au contraire de contribuer à l'éclairer pour éviter d'en répéter les erreurs.

Extraits de l'article de Antonio Fischetti - Charlie Hebdo du 9 novembre 2022